Correspondence
LETTRE DE RAMEAU À BERNOULLI - 18 février 1750
LETTRE DE RAMEAU À BERNOULLI
18 février 1750
Je ne doute pas, Monsieur, que la découverte d’un principe, dont la recherche paraît avoir été le but d’une infinité de philosophes qui ont écrit sur la Musique, ne puisse mériter votre attention ; tout ignorant que je suis dans la géométrie, la nature m’a si bien conduit que d’un simple Musicien elle a fait enfin un géomètre, du moins dans son Art ; tout glorieux que je doive être du suffrage de l’une des plus célèbres Académies de l’Europe, je sens tout le poids qu’y ajouterait le sceau de votre approbation. Mr de Montpeyroux, notre envoyé à Genève, a bien voulu se charger d’un exemplaire de la démonstration de ce principe pour vous le faire tenir, principe qui présente à presque tous nos Sens, à l’Ouïe, à la Vue et au Tact, une géométrie naturelle, dont la connaissance ne nous est parvenue, si je ne me trompe, qu’à l’aide d’une infinité d’Opérations, ce qui peut faire regarder la Musique comme le Miroir de la Nature dans la partie scientifique ; c’est beaucoup dire, mais cela est pardonnable à l’un de ses plus zélés partisans qui d’ailleurs n’a osé rendre cette idée publique ; c’est à vous, Monsieur, de juger après avoir bien examiné, c’est aux colonnes des sciences et des Arts qu’il appartient de prononcer ; je ne suis qu’un simple Musicien plein de respect pour ses maîtres parmi lesquels vous tenez le premier rang. J’ai l’honneur d’être avec toute l’estime et la considération possibles, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Rameau.
À Paris, ce 18 février 1750.