Mercure de France

Mercure de France, avril 1751, p. 166

Mercure de France, avril 1751, p. 166

« Cependant les Actes d’Ismene & d’Æglé, souffroient un peu du voisinage de celui de Titon & de l’Aurore. L’Acte charmant de Pigmalion est venu à leur secours : l’Académie Royale de Musique l’a repris le Mardi, 9 Mars, à la place de Titon, & le Public y a couru en foule.

Cet Acte, représenté pour la premiere fois le 27 Août 1748, fut demandé par la Direction dans une circonstance pressante, & il fut mis en Musique dans moins de huit jours par M. Rameau, dont le génie lumineux, hardi & fécond, a concilié à la Musique Françoise l’estime des autres Nations.

Les paroles de cet Acte, écrites avec toutes les graces, l’esprit & la finesse, que feu M. de la Motte mettoit dans ses ouvrages lyriques, n’avoient pas pû soûtenir seules la foiblesse de la Musique de feu Labarre ; car cet Acte fait partie du Ballet des Arts, représenté sans succès en 1700.

Il étoit fâcheux, d’un côté de perdre un aussi joli tableau, & de l’autre, les changemens survenus au Théatre de l’Opéra, le goût que le Public paroît montrer pour la danse & pour la musique, exigeoient nécessairement une coupe nouvelle. Ce travail fut entrepris & exécuté par un homme d’esprit, qui ne s’est point nommé. L’éducation de la Statue, animée par l’Amour & confiée aux Graces ; le choix d’une Danseuse pour représenter la statue ; les Ballets que ce choix améne, celui qui naît de l’éclat qu’un pareil prodige introduit dans tous les Atteliers de Pigmalion, & dans la Ville ; les Ariettes ; le Chœur brillant ; l’Amour triomphe, &c. sont de son invention.

On n’avoit point encore vû un desir si vif, si marqué, une préference si décidée pour les ouvrages d’un Auteur vivant, que celle que le Public a montrée dans cette circonstance pour la Musique de notre Orphée. Un moment avant que l’on commençât l’Acte de Pigmalion, la joie de toute l’assemblée s’exprima d’une maniere très vive. L’ouverture ranima ces démonstrations, & chacun des morceaux de cet ouvrage saillant fut applaudi universellement avec une espéce de transport. »