Correspondence

LETTRE DE RAMEAU À CASAUBON - Novembre 1763

LETTRE DE RAMEAU À CASAUBON

novembre 1763

Monsieur,

Vous avez grande raison d’être piqué, irrité, indigné contre moi, en supposant dans mon écrit le ton que je ne pourrais prendre, tout au plus, qu’avec un débiteur qui m’y aurait forcé, encore faudrait-il qu’il ne méritât pas les égards que je vous dois ; mais j’étais si éloigné de ce ton lorsque j’ai mis la main à la plume que ma surprise a d’abord été extrême quand j’ai reconnu par la vôtre qu’en effet vous aviez pu le supposer, sans penser combien il convenait peu à celui qui n’attend de vous qu’une grâce qu’il désire avec empressement. Sachez donc que ce qui m’a engagé à prendre la liberté de vous prescrire le oui ou le non n’a été que dans la vue de vous demander une réponse, qui ne vous coutât rien et que mon domestique pût facilement retenir ; le temps que j’occupe d’ailleurs à écrire pour mes propres intérêts domestiques m’est si cher lorsque je le dérobe à celui que je crains qui ne me manque pour mettre au jour de nouvelles découvertes (dont j’ai l’honneur de vous entretenir même en abrégé) faute de tête et de vue, ne pouvant m’appliquer plus de 2 heures dans la journée, encore avant dîner, ce temps-là dis-je, fait que sans prévoir le mauvais sens qu’on peut donner à mes raisons je les abrège le plus qu’il m’est possible. Hé ! Pouvais-je effectivement prévoir votre interprétation à l’égard d’un homme qui vous demande une grâce, qu’elle doit à présent voir paraître éloignée de ma pensée ? Pardonnez-moi du moins s’il vous reste encore quelques soupçons d’une faute que je n’aurais jamais pu commettre sans avoir perdu le sens commun, et croyez que le respect que vos bontés ont imprimé pour vous dans mon cœur ne s’en effacera jamais, et que c’est dans ce même sentiment que je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Rameau, qu’un Oui qu’il ose espérer, si vous avez la bonté de dire, mettrait au comble de sa joie.

Paris, novembre 1763.

À Monsieur

Monsieur Casobon

Rue de la Madeleine

Faubourg St Honoré.

Ie Lvée