PIÈCES DE CLAVECIN AVEC UNE MÉTHODE POUR LA MÉCANIQUE DES DOIGTS
General description
Compositeur : RAMEAU, Jean-Philippe (1683-1764)
1ère édition : 1724
Genre : Livre de Pièces de clavecin
Catalogue : RCT 2
Rameau attendra la quarantaine et son retour définitif à Paris, pour publier son deuxième livre de clavecin en 1724. Ce deuxième recueil poursuit un but pédagogique puisqu’il est précédé d’une Méthode pour la mécanique des doigts par laquelle Rameau exige le mouvement régulier des doigts qui doivent restés souples, le travail régulier, l’attention apportée aux doigtés, la façon de placer le coude et le poignet dans une pose souple. Comme Couperin, Rameau abandonne progressivement la suite de danses au profit des pièces descriptives. Son style s’adoucit avec l’emploi systématique du rondeau et sa technique impressionne par sa virtuosité (batteries, triolets de doubles-croches). Le recueil comprend dix-sept pièces regroupées en deux suites (mi et ré), la première encore tournée vers le monde de la danse tandis que la seconde laisse plutôt la place aux pièces de caractères.
Menuet en rondeau
En illustration de la table d’agrément accompagnant ce recueil, est jointe une petite pièce intitulée Menuet en rondeau qui est important pour l’art de jouer sur le clavier. Il ne comporte curieusement pas d’ornement et anticipe sur l’écriture et la sonorité du piano.
SUITE EN MI
Allemande
La Suite en mi s’ouvre par une Allemande, proche de François Couperin (dans son 17e ordre) de par son allure ample, caractéristique de cette danse, mais son thème très développé n’a plus rien de commun avec celle du premier livre.
Courante
La Courante très ornementée est quant à elle conçue comme la Courante du livre précédent, avec des valeurs pointées et un rythme à 3/2.
1ère et 2e Gigue en rondeau
Deux Gigues en rondeau remplacent la traditionnelle sarabande. Dans la première, Rameau puise son inspiration d’une chanson populaire, « Au bon roi Dagobert ». La seconde Gigue n’est pas en reste avec son allure champêtre et ses couplets typés et variés.
Le Rappel des Oiseaux
Le Rappel des Oiseaux écrit à deux voix, joue sur le décalage des syncopes évoquant le rassemblement bruyant d’oiseaux qui pépient entre eux.
1er et 2e Rigaudon
Le 1er Rigaudon proviendrait du Théâtre de la Foire pour lequel Rameau a écrit de la musique de divertissement. C’est un dialogue de voix qui entrent en canon. Il est suivi d’un second Rigaudon dont le dessus trace un dessin inverse à celui du premier. Il correspond à une variation suivi d’un double qui l’imite.
Musette en rondeau
La Musette en rondeau jouée « tendrement », autrement dit de façon modérée, comporte une basse dans le ton de mi parfois scindée en deux parties mélodiques. Elle comprend trois reprises encadrant un refrain champêtre.
Tambourin
Le Tambourin, une des pièces les plus populaires de Rameau, également en rondeau, complète admirablement la Musette, dont l’écriture l’imite quant aux trois reprises autour du refrain. Ces deux pièces, probablement issues du Théâtre de la Foire, ont été reprises dans l’opéra Les Fêtes d’Hébé (1739).
La Villageoise. Rondeau
La Villageoise est une gavotte en rondeau dotée d’un mélange de temps légers alternés avec des temps plus lourds. Il s’agit sans doute du portrait d’une femme d’une grande simplicité qui s’achemine peu à peu vers une assurance progressive, qu’illustre un style plus élaboré dans les couplets du morceau.
SUITE EN RÉ
Les Tendres Plaintes. Rondeau
La Suite en ré débute par un rondeau intitulé Les Tendres Plaintes dont l’effet mélancolique est obtenu par le dégagement du troisième temps des liaisons notées à la main gauche. Rameau orchestra cette pièce dans son opéra Zoroastre, avec une ornementation différente de celle qu’il avait confiée à la main droite.
Les Niais de Sologne
La pièce Les Niais de Sologne est tirée d’un air populaire en rondeau, au thème identique pour le refrain et les couplets ; elle a un aspect volontairement lourd. Ce morceau, qui sera orchestré dans l’opéra Dardanus, est suivi de deux variations saisissantes : la première comporte un thème en triolets de croches à la main droite, qui se superpose aux croches égales à la main gauche. La seconde, extrêmement virtuose, joue sur l’opposition entre les doubles-croches à la main gauche et les simples croches à la main droite.
Les Soupirs
Les Soupirs, sous-titrés « tendrement », est parsemé de nombreux silences et de syncopes imitant une personne émue qui a du mal à contenir les soubresauts qui l’assaillent.
La Joyeuse
La Joyeuse sert de contraste à la pièce précédente : elle est gaie et rapide. Elle adopte la forme du rondeau et déploie allègrement des gammes descendantes qui se poursuivent aux deux mains.
La Follette
Dans le même esprit, La Follette est un rondeau joyeux écrit dans un rythme de gigue brisée par des trilles qui déséquilibrent volontairement l’allure de la pièce.
L’Entretien des Muses
L’Entretien des Muses rappelle d’emblée le style poétique de Couperin. Elle voit sa mélodie, d’une dimension exceptionnelle, confiée au médium de l’instrument, ce qui accroît l’impression d’une méditation ininterrompue. Rameau en reprendra les premières mesures dans son opéra Les Fêtes d’Hébé.
Les Tourbillons. Rondeau
Les Tourbillons est un rondeau descriptif qui dépeint, comme l’a écrit Rameau lui-même à Houdar de la Motte, « les tourbillons de poussière excités par de grands vents ». Alors que le refrain paraît innocent, l’écriture des couplets crée la surprise avec des gammes et des arpèges montants et descendants, figurant les coups de vent violents qui balayent les feuilles en les faisant tournoyer sur elles-mêmes.
Les Cyclopes. Rondeau
La pièce suivante, Les Cyclopes, est un véritable morceau de bravoure, annonciateur de l’orchestre d’opéra. La forme traditionnelle du rondeau cède la place à un allegro de style sonate avec l’utilisation de batteries et de notes piquées, proches du style de Scarlatti, pour mieux marquer les coups portés sur l’enclume. Quant à la main gauche très virtuose, des sauts d’intervalles de 13e évoquent les gestes brutaux des Cyclopes maîtrisant la matière en incandescence.
Le Lardon
Miniature presqu’insignifiante, Le Lardon est le type même du morceau destiné au débutant. C’est pourtant le thème de ce petit menuet, qui comporte des batteries construites de façon humoristique auxquelles répond un passage legato naïf, qu’utilisera Paul Dukas dans son hommage à Rameau pour ses Variations, Interlude et Finale.
La Boiteuse
Deuxième miniature qui achève cette suite, La Boiteuse évoque une personne affectée par une claudication bien imitée par son rythme ternaire et l’accent porté sur le premier temps.
[Patrick Florentin]